31 mai 2022
Étude sur la neurogenèse, ou le rajeunissement du cerveau

Une équipe néerlandaise de recherche s’est intéressée à la neurogenèse hippocampale chez l’adulte et a obtenu des résultats intéressants.

La neurogenèse est un phénomène se produisant en petite quantité dans notre cerveau, plus particulièrement au niveau de l’hippocampe, la structure cérébrale principalement impliquée dans la mémorisation. Il se traduit par la création de nouveaux neurones et n’est pas limité aux individus les plus jeunes. D’abord controversée dans la littérature scientifique, la neurogenèse hippocampale chez l’adulte (NHA) a été mise en évidence chez l’animal puis plus récemment chez l’homme, dans des échantillons de cerveau de personnes centenaires. Des études ont également mis en évidence que la maladie d’Alzheimer diminuait drastiquement la présence de NHA. Toutefois, à quoi sert cette neurogenèse ?

La neurogenèse à l’âge adulte va principalement se concentrer au sein d’une partie de l’hippocampe, que l’on appelle le gyrus denté. La création de neurones à cet endroit est impliquée dans de nombreux processus cérébraux tels que les différents types de mémoire, le contrôle des émotions, la flexibilité cognitive, l’oubli fonctionnel ou encore la « séparation de motifs ». Ce dernier est une fonction de notre mémoire qui nous permet de discriminer des représentations similaires, pour les objets mais également les personnes ou les événements, nous permettant d’éviter un chevauchement de notre mémoire entre des événements se ressemblant mais n’ayant pas la même valeur émotionnelle. À titre d’exemple, c’est cette fonction de notre mémoire que nous allons utiliser pour se souvenir de détails précis événements anodins et répétés, comme le repas de la veille. Nous retrouvons ces fonctions cognitives altérées dans la maladie d’Alzheimer et il semble donc intéressant de mieux connaître ce processus et comment il pourrait intervenir dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer.

Pour comprendre le fonctionnement de la NHA, l’équipe du Pr Salta, du Netherlands Institue for Neurology, s’est intéressée à un mécanisme biologique singulier que l’on appelle les microARN (miR). Les ARN, ou acides ribonucléiques, se retrouvent chez la plupart des êtres vivants. Très proches de l’ADN dont ils sont généralement une copie, ils vont permettre de synthétiser des protéines. Parmi ces ARN, il existe des versions plus petites, qui vont permettre de contrôler l’expression de certains gènes. Pour simplifier, les ARN agissent comme des « autorisations de production » des protéines qui pourront, par la suite, avoir des effets biologiques. Parmi les miR existants, le miR-132 semble être une cible d’intérêt dans la maladie d’Alzheimer puisque son expression est diminuée chez les patients malades.

Pour vérifier son implication dans la neurogenèse hippocampale chez l’adulte, les chercheurs utilisent un modèle animal, des cultures cellulaires de neurones humains et des échantillons cérébraux post-mortem de patients. Et ils ont découvert que cette molécule remplit un rôle primordial dans la neurogenène à l’âge adulte. En effet, ils observent qu’en réduisant les taux de miR-132, ils provoquent une diminution de la neurogenèse chez la souris et dans leurs cultures cellulaires. A l’inverse, l’augmentation d’un taux de miR-132 normal chez les souris modèles de la maladie d’Alzheimer permet de récupérer une neurogenèse normale et donc de contrer les effets délétères de la maladie sur la mémorisation liée à la NHA.

Ces résultats dévoilés en 2021, bien qu’encore préliminaires, semblent fournir une piste thérapeutique prometteuse pour la prise en charge de la maladie d’Alzheimer, notamment en ce qui concerne la régulation de la neurogenèse et des troubles cognitifs associés à sa perturbation. Le Pr Salta précise que leur « prochain objectif est une évaluation systématique de l’efficacité et de la sûreté du ciblage de miR-132 en tant que stratégie thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer ».

Référence :
https://nin.nl/rejuvenating-the-alzheimers-brain/
Hannah Walgrave, Sriram Balusu, Sarah Snoeck, Elke Vanden Eynden, Katleen Craessaerts, Nicky Thrupp, Leen Wolfs, Katrien Horré, Yannick Fourne, Alicja Ronisz, Edina Silajdžić, Amber Penning, Giorgia Tosoni, Zsuzsanna Callaerts-Vegh, Rudi D’Hooge, Dietmar Rudolf Thal, Henrik Zetterberg, Sandrine Thuret, Mark Fiers, Carlo Sala Frigerio, Bart De Strooper, Evgenia Salta. Restoring miR-132 expression rescues adult hippocampal neurogenesis and memory deficits in Alzheimer’s disease. Cell Stem Cell, 2021; DOI: 10.1016/j.stem.2021.05.001