23 juillet 2019
Stress et Alzheimer : la recherche progresse

Stress et Alzheimer – Soutenus par France Alzheimer et maladies apparentées, Laurent Givalois et son équipe montpelliéraine ont exploré les liens qui relient le stress et la maladie d’Alzheimer. Au centre de leurs investigations : les glucocorticoïdes, les hormones du stress, dont l’action pourrait être contrecarrée par des molécules développées aux États-Unis.

La maladie d’Alzheimer est une maladie complexe, qui est le résultat d’interactions fortes entre plusieurs facteurs de risque : l’âge, en premier lieu, la présence de susceptibilités génétiques (on dénombre aujourd’hui une vingtaine de facteurs génétiques augmentant le risque de développer la maladie), le mode de vie mais également le stress chronique.

Le stress impliqué dans la maladie ?

Au sein du laboratoire « Mécanismes moléculaires dans les démences neurodégénératives » (Montpellier), Laurent Givalois et son équipe s’intéressent depuis plusieurs années à ce dernier aspect. Ils tentent notamment de démêler le rôle joué par les hormones du stress, appelées glucocorticoïdes. Une précédente étude leur avait notamment permis d’établir que, dans un modèle préclinique de la maladie d’Alzheimer, l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (ou axe HPA), appelé axe du stress, est dérégulé. Cela se traduit notamment par une production plus importante des hormones du stress.

À l’issue de la publication de ces résultats, Laurent Givalois a eu la surprise de recevoir un appel des États-Unis. Au bout du fil, l’entreprise « Corcept Therapeutics ». Ce laboratoire pharmaceutique, basé en Californie, développe depuis plusieurs années des molécules capables de moduler de façon très spécifique l’activité des récepteurs aux glucocorticoïdes. Ces récepteurs sont des protéines présentes dans les cellules et sur lesquelles viennent se fixer les glucocorticoïdes, provoquant une série de réponses de la cellule nécessaire pour contrecarrer les effets délétères du stress. Ainsi, en modulant l’activité de ces récepteurs, on pourrait ainsi moduler la façon dont l’organisme va réagir à l’excès en hormones du stress associé à la maladie d’Alzheimer. Une hypothèse qui a tout de suite attiré l’attention de Laurent Givalois…

Laurent Givalois et son équipe

Des premiers résultats prometteurs

Les travaux lancés grâce à la subvention attribuée par France Alzheimer fin 2016 ont permis dans un premier temps d’étudier l’effet d’un traitement par deux molécules développées par « Corcept Therapeutics » sur un modèle aigu préclinique de la maladie. Ils ont permis de montrer que ces molécules renversent un grand nombre de caractéristiques de la maladie, de la production de peptides β-amyloïdes à la modification de la protéine Tau en passant par l’apparition des troubles cognitifs, des déficits synaptiques et de l’inflammation du tissu cérébral. Ces nouveaux traitements se sont avérés plus efficaces que la Mifépristone, molécule connue pour agir également sur les récepteurs aux glucocorticoïdes : moins sélective, elle restaure les déficits de la mémoire mais n’a pas d’effet sur la neuroinflammation par exemple.

Ces premiers résultats constituent une réelle avancée. Celle-ci est en train d’être confirmée par une seconde série d’études afin de tester la robustesse du traitement, en mesurant l’évolution de la maladie dans le temps, après une première phase de traitement. Enfin une série d’expériences est en train d’être réalisée sur un autre modèle de la maladie d’Alzheimer dit chronique afin d’établir la preuve de concept de l’efficacité d’un tel traitement.

Enfin, l’équipe de Laurent Givalois a mené des investigations plus poussées, en collaboration avec une équipe au Canada pour comprendre l’effet de ces nouveaux traitements sur la protéine Tau.

Et maintenant ?

Laurent Givalois regorge d’idées pour la suite. Il reste à mieux comprendre comment s’articulent stress, pathologie amyloïde et déstabilisation de la protéine Tau. En engrangeant de nouvelles connaissances sur la maladie, on pourra alors avancer vers la mise en place d’essais cliniques chez l’Homme. Cela pourrait être envisagé à brève échéance, dans la mesure où les molécules développées par « Corcept Therapeutics » sont déjà en cours d’évaluation chez l’Homme pour d’autres pathologies comme la dépression ou l’obésité. Une autre question primordiale à explorer : faut-il continuer à prescrire des glucocorticoïdes, principaux anti-inflammatoires, chez les personnes âgées en dépit de leur rôle dans le développement de la maladie ?