18 août 2020
Pleins feux sur le régime cétogène

Régime cétogène – Gériatre au Centre de neurologie cognitive à Paris, Matthieu Lilamand va mener un essai clinique sur le régime cétogène.

Popularisé par les sportifs de haut niveau, le régime cétogène est sous les feux des projecteurs depuis quelques années. Il vise à réduire drastiquement la quantité de glucides (que ce soit des sucres raffinés dans les barres chocolatées ou des sucres naturels contenus dans les fruits) et à les remplacer par des lipides, des graisses. « Les glucides, c’est la source énergétique de notre cerveau. Quand on a un petit coup de pompe, on prend du sucre et on sent tout de suite que ça va mieux », explique Matthieu Lilamand, gériatre au Centre de neurologie cognitive à Paris. « Avec le régime cétogène, le carburant des neurones et des muscles va être produit à partir de lipides transformés en corps cétoniques. »

Pourquoi ce régime permettrait-il de réduire l’évolution de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée ? Matthieu Lilamand évoque plusieurs éléments, qui se recoupent. « Nous savons que la consommation excessive de sucre est mauvaise pour le cerveau et serait un facteur de risque de développer la maladie. On peut donc se demander si on ne ferait pas mieux de faire fonctionner nos centrales énergétiques cérébrales avec des lipides. Par ailleurs, les corps cétoniques semblent lutter contre les agressions cérébrales et avoir des effets anti-inflammatoires. Enfin, on a observé chez des personnes en début de maladie, que les neurones n’arrivent pas à capter l’énergie contenue dans les glucides. Peut-être se reveilleraient-ils au contact de corps cétogènes ? »

Mais prudence ! Tout reste à prouver, le travail ne fait que commencer. « Il est beaucoup trop tôt pour parler de recette miracle, et c’est même dangereux de le dire. Mais il ne faut pas, non plus, écarter cette piste d’un revers de la main. »

C’est là qu’entre en scène Matthieu Lilamand et son équipe, qui vont mener un essai clinique durant un an, avec le soutien financier de France Alzheimer. « Nous allons évaluer si des patients atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade débutant parviennent à suivre un tel régime pendant une période d’un an. Cet essai sera conduit à l’hôpital Lariboisière à Paris et concernera 70 personnes : la moitié suivra le régime cétogène et l’autre moitié un régime normal avec un suivi nutritionnel. Les médecins évalueront l’impact de ce régime sur les fonctions cognitives, mais aussi sur l’autonomie, la qualité de vie, le fonctionnement du cerveau, la stabilité du poids. Il faut donc voir les bénéfices cognitifs, anti-inflammatoires, mais aussi les effets négatifs comme la fatigue, la perte de poids, la perte de muscles… Si ça ne marche pas, si c’est dangereux, il faut le dire franchement. Peut-être même que ça sera bénéfique pour certains et pas pour d’autres. »

Par contre, si les résultats s’avèrent positifs, l’équipe pourra concevoir un essai clinique de plus grande ampleur, avec un plus grand nombre de participants.

D’autres questions se posent encore. Le régime cétogène augmenterait-il la probabilité de développer d’autres maladies ? « Il semblerait que non. Pas plus que si que on n’adoptait pas le régime cétogène. ».

Autre interrogation que se pose également Matthieu Lilamand : « Les glucides représentent habituellement 50 % des apports énergétiques totaux. Mais où placer le curseur ? Doit-on les réduire à 10 – 20 % ? ».

En somme, pour Matthieu Lilamand et son équipe, il s’agit d’ouvrir ou fermer une porte. « Nous posons un premier jalon. Si c’est un échec, on tourne la page. »