12 juillet 2022
Plan d’action mondial de santé publique contre la démence

En mai 2017, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a lancé son Plan d’action mondial de santé publique contre la démence 2017-2025, et suit attentivement l’évolution de la mobilisation mondiale pour faire face à l’augmentation du nombre de personnes concernées par la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, à travers le monde. Pour faire le point sur le déploiement de ce Plan et le positionnement de la France en particulier, France Alzheimer et maladies apparentées a posé quatre questions au Docteur Tarun DUA, du Département de santé mentale et de toxicomanie de l’OMS. 

*L’utilisation du terme de « démence » dans cet article est circonscrite au respect du contenu des réponses transmises en anglais par le Docteur Tarun. France Alzheimer reste opposée à l’utilisation de ce terme en France pour de multiples raisons.

  • La France a signé le Plan d’action mondial de santé publique contre la démence 2017-2025. Pouvez-vous nous dire ce que cela implique pour les pays membres de l’OMS ?

La « démence » est la 7ème cause de décès et l’une des principales causes d’invalidité dans le monde, mais elle suscite souvent une attention politique limitée. Le Plan d’action mondial de santé publique contre la démence 2017-2025 appelle à un investissement accru pour faire face à la maladie d’Alzheimer et aux maladies apparentées. Il propose des actions concrètes et des objectifs mondiaux pour aider les pays à améliorer le quotidien des personnes malades et de leurs aidants. Ainsi que les communautés au sein desquelles ils évoluent.
L’élément central de ce Plan est l’intégration de stratégies pour faire face à la maladie d’Alzheimer et aux maladies apparentées dans les programmes nationaux de santé publique. Cela permettra aux pays de développer et de renforcer leurs réponses en matière de prévention, de diagnostic et de prise en soins, en se basant sur des données probantes. Il s’agit également d’encourager les décideurs politiques à placer ces stratégies au premier plan des programmes de santé publique pendant les crises sanitaires telles que la pandémie de la COVID -19 et dans la reprise post-pandémique.

  • Depuis 2017 et les premières informations collectées par les pays dans le cadre de l’Observatoire mondial de la « démence ». La France pourrait-elle être plus proactive en termes de partages d’expériences et de données ?

L’Observatoire mondial de la « démence » est le mécanisme de suivi du Plan d’action mondial. L’OMS utilise les données transmises par les États membres pour mesurer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de ce Plan. La dernière mise à jour a été publiée en septembre 2021 dans le dernier Rapport sur la réponse globale de santé publique contre la «démence» .

Nous encourageons vivement la France à maintenir ses efforts au niveau national ainsi qu’au niveau infranational et à soumettre des données à l’Observatoire. Cela permettra de suivre les progrès vers la réalisation des objectifs mondiaux et nationaux et d’identifier les domaines où des efforts concertés devraient être faits pour relever l’ensemble des défis.
Il est important de noter que l’Observatoire n’est pas uniquement une plateforme de partage de données. C’est aussi une plateforme d’échange de connaissances (www.globaldementia.org) sur laquelle les pays, la société civile et d’autres acteurs clés peuvent partager et accéder à des ressources de haute qualité, évaluées par des pairs, afin de faire face à ces pathologies de manière coordonnée et globale. Nous encourageons fortement nos États membres mais aussi les organisations de la société civile telles que France Alzheimer, à soumettre des ressources à la plateforme (décisions politiques, enquêtes ou exemples de bonnes pratiques).

  • Pourquoi est-il également nécessaire d’envisager une réponse globale à la lutte contre la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées ?

Le Plan d’action mondial contre la « démence » met en évidence l’objectif commun et l’engagement mondial en faveur de l’amélioration des pratiques de santé publique et des réponses politiques dans ce domaine. Alors que les pathologies concernées touchent des personnes dans le monde entier, la plupart des personnes concernées vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Comme l’a démontré le Rapport publié en septembre dernier, les politiques pour faire face à la « démence » sont insuffisantes, en particulier dans ces pays.
Pour assurer une mise en œuvre effective et équitable du Plan à l’échelle mondiale, les actions multisectorielles doivent être coordonnées au sein et entre les États membres de l’OMS. Cela implique d’améliorer l’accès à des données de qualité et le suivi des indicateurs clés afin de mettre en évidence les inégalités en termes de prévention, de diagnostic et de prise en charge. Il s’agit de renforcer les stratégies nationales, régionales et mondiales, en veillant à ce que personne ni aucun pays ne soit laissé pour compte.

  • Compte tenu des 7 domaines d’action identifiés par l’OMS dans le cadre de ce plan d’action mondial, avez-vous des recommandations concernant la France en particulier, d’ici à 2025 ?

La France a été à l’avant-garde de la mise en œuvre de stratégies pour faire face à ces pathologies dans le monde, avec trois plans nationaux réussis depuis 2000. La feuille de route maladies neurodégénératives 2021-2022 met aussi l’accent sur la prévention, le traitement, les soins, la recherche et l’innovation. Grâce à ces solides antécédents, ainsi qu’aux efforts récents pour donner la priorité à la recherche sur la santé du cerveau pendant sa présidence de l’UE. La France est en excellente position pour améliorer de manière significative la vie des personnes concernées. Et pour contribuer aux efforts de recherche mondiaux, visant à trouver de meilleurs diagnostics et traitements, et développer de meilleures techniques de soins pour les personnes vivant avec la maladie, leurs soignants et leurs familles.

Bien que l’élaboration d’un plan soit essentielle pour établir des priorités et définir des actions pour atteindre les objectifs nationaux. l est également essentiel de s’assurer que ce plan national est financé et suivi de manière appropriée. Cela garantira une mise en œuvre réussie et un impact durable. En outre, la mise en place de collaborations multisectorielles, tant au sein des services gouvernementaux qu’avec des parties prenantes externes, sont essentiels pour trouver des synergies et réduire les redondances, surmonter les obstacles communs et garantir que des priorités antagoniques ne font pas obstacle à des actions efficaces.


 ─ World Health Organization (WHO). (2017). Global action plan on the public health response to dementia 2017–2025. Geneva: Switzerland.
 ─ World Health Organization (WHO). (2021). Global status report on the public health response to dementia. Geneva: Switzerland.

Pour aller plus loin :
 3. Seeher, K., Cataldi, R., Chowdhary, N., Kolappa, K., & Dua, Tarun. (2022). The need for a better global dementia response. The Lancet Neurology; 21(2):115. doi: 10.1016/S1474-4422(21)00460-9.
 4. Seeher, K., Cataldi, R., Dua, T., & Kestel, D. (2022, accepted). Inequitable access to dementia diagnosis and care in low-resource settings – a global perspective. The Clinical Gerontologist.
 5. The Lancet Public Health. (2021). Reinvigorating the public health response to dementia. The Lancet Public Health;6(10):e969. doi: 10.1016/S2468-2667(21)00215-2.