13 août 2020
L’impact des troubles du sommeil sur le cerveau

Des chercheurs s’intéressent aux facteurs qui augmentent ou au contraire diminuent le risque de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Le sommeil, selon s’il est bon ou mauvais, en fait partie.

Quels liens y a-t-il entre les troubles du sommeil et la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée ? C’est à cette question que se sont attelés Géraldine Rauchs et son équipe, au sein du laboratoire neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine, basé à Caen. L’objet de leurs travaux pour lesquels la chercheuse Inserm a obtenu un financement de l’Association en 2017 est de mieux comprendre l’impact de la qualité du sommeil sur les atteintes cérébrales et cognitives au stade préclinique de la maladie d’Alzheimer. Une étude menée dans le cadre d’un vaste projet européen « Silver Santé Study » destiné au bienvieillir, et piloté par le Dr Gaël Chételat.

Une chose est certaine : un mauvais sommeil peut avoir un effet négatif pour tout le monde. « Quand on n’a pas très bien dormi pendant une ou deux nuits, on sait que le lendemain, on a beaucoup de mal à se concentrer, à faire face à des situations stressantes », explique Géraldine Rauchs. « Et quand on dort mal de manière chronique, répétée, cela va avoir des conséquences sur le cerveau, et c’est là l’objet de nos recherches. »

La chercheuse et son équipe ont recruté 127 participants. Des participants âgés ne présentant pas de troubles cognitifs.

Les chercheurs ont utilisé à la fois des questionnaires pour évaluer le ressenti des participants sur leur sommeil, des enregistreurs de sommeil ainsi que des techniques d’imagerie cérébrale afin de cartographier les changements éventuels dans le cerveau. « On s’est donc intéressé à différents aspects du sommeil et on a essayé de les mettre en lien avec les performances cognitives et le cerveau. On a regardé si un sommeil de mauvaise qualité aujourd’hui va prédire l’évolution des performances cognitives dans 18 ou 36 mois, et puis on a regardé directement l’impact de certains paramètres de sommeil sur le cerveau. »

Résultat : « On voit que les personnes qui ont des difficultés récurrentes à s’endormir vont avoir par exemple, dans certains endroits du cerveau, plus de plaques amyloïdes, une des lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. On voit aussi que les personnes qui ont un sommeil très fragmenté, entrecoupé de phases de réveil, vont avoir des pertes de substance grise ou que certaines régions du cerveau vont moins bien fonctionner qu’à la normale. Nous avons également vu tout récemment que des personnes qui font des apnées du sommeil, plus de 15 par heure, avaient elles aussi des lésions qui ressemblent à ce que l’on peut observer dans la maladie d’Alzheimer. »

Cela ne signifie pas pour autant que les personnes qui ont des troubles du sommeil, et des plaques amyloïdes, développeront à coup sûr la maladie d’Alzheimer dans les mois ou les années à venir, mais ils présentent un risque accru.

« Nous sommes effectivement dans une perspective de recherche où l’on essaie d’identifier des facteurs de risque, mais aussi des facteurs protecteurs. Des facteurs qui permettront soit de différer l’apparition de la maladie, soit de ralentir sa progression », insiste Géraldine Rauchs. « De nombreux facteurs sont étudiés et le sommeil en fait partie. L’idée est donc d’essayer de maintenir un sommeil de bonne qualité le plus longtemps possible. Nous ne sommes pas du tout dans une perspective d’utilisation de médicaments, mais il y a plein de choses qui marchent pour avoir un sommeil de bonne qualité, comme l’activité physique ou l’exposition à la lumière. Avoir une nuit ou l’autre un problème de sommeil est normal, mais quand des troubles du sommeil s’installent sur le long terme, il faut s’en préoccuper. Si on soupçonne des apnées, il faut consulter pour confirmer leur présence et les traiter. Si ce sont des insomnies, différentes méthodes sont efficaces et permettront de limiter l’impact d’un mauvais sommeil sur le cerveau. »

Géraldine Rauchs et son équipe n’ont pas terminé leurs recherches. Elles s’intéressent maintenant, notamment, à l’impact du traitement des apnées du sommeil sur l’évolution des lésions cérébrales et aux différences entre le cerveau des hommes et des femmes souffrant d’apnées du sommeil.