5 novembre 2019
Les souvenirs sont-ils perdus à jamais ?

Le docteur Laure Verret évoque la recherche en matière de réactivation de la mémoire et des souvenirs.

La question n’est pas simple : les souvenirs sont-ils perdus à jamais ? Pas forcément, à en croire Laure Verret, maître de conférences à l’université Paul Sabatier et chercheuse au Centre de recherches sur la cognition animale à Toulouse.

Mais avant de répondre à cette question, il faut définir plusieurs choses, notamment ce que sont les souvenirs, et la mémoire. « Il existe plusieurs types de mémoire, dont la mémoire procédurale, celle des savoir-faire comme de faire du vélo, tricoter… Ce type de mémoire est très peu atteint par la pathologie qu’est Alzheimer », explique le docteur Verret. « Puis, il y a la mémoire déclarative qui, elle, est très affectée par la maladie. Et la mémoire déclarative, ce sont les souvenirs. »

Seconde question préalable : comment les souvenirs sont-ils stockés ? « Cette question anime beaucoup la recherche puisqu’il n’y a pas de certitude aujourd’hui sur comment et sous quelles formes les souvenirs sont stockés. Mais ce qui apparait comme le plus véridique d’un point de vue expérimental, c’est que les souvenirs ne sont pas stockés dans un seul endroit du cerveau mais que les souvenirs ou plutôt les différentes composantes qui constituent les souvenirs sont éparpillées dans différentes aires du cerveau, et de notre cortex en particulier. Les souvenirs, c’est donc un enchevêtrement, un puzzle de ces différentes composantes que constitue un événement. »

La maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée affecte donc cette mémoire déclarative. « Probablement, en tout cas au stade précoce de la maladie, quand il n’y a pas encore trop de mort neuronale, que ces souvenirs sont toujours là et distribués sur l’ensemble du cerveau. Mais l’hypothèse la plus admise est que les malades n’arrivent pas à accéder à ces souvenirs. Pour se remémorer un souvenir, il faut que les différentes parties du puzzle arrivent à se rejoindre. Et ça, ça nécessite que les différentes aires du cerveau se parlent, qu’elles se coordonnent, qu’elles se synchronisent. Or, on s’est aperçu il y a quelques années chez des patients Alzheimer que cette synchronie dysfonctionne. »

Et Laure Verret d’utiliser une image pour mieux comprendre la problématique. « C’est comme s’il y avait un orchestre, que tous les instruments étaient présents, mais qu’ils étaient incapables de s’organiser pour jouer quelque chose d’harmonieux. Ça, c’est le rôle d’un chef d’orchestre. Et dans le cadre d’Alzheimer, il est absent. Et donc, il n’y a plus de coordination. »

La recherche se penche d’ailleurs sur cette question. « La découverte, celle de ces souvenirs qui sont bien toujours présents quelque part dans les cerveaux des patients Alzheimer, est majeure parce que cela veut dire qu’il suffit de trouver la clé pour accéder à nouveau à ces souvenirs. On a identifié il y a moins de 10 ans maintenant les neurones qui sont ces fameux chefs d’orchestre. Ceux qui permettent à tous les instruments de s’organiser. Ces neurones sont dysfonctionnels dans la maladie d’Alzheimer, et probablement très tôt dans la maladie. La recherche tente aujourd’hui de faire en sorte de redonner une fonction normale à ces neurones pour qu’ils soient ainsi en mesure de réorganiser l’activité cérébrale comme dans un cerveau sain. »