7 décembre 2020
Des réformes nécessaires pour le maintien à domicile

Les personnes malades veulent rester le plus longtemps possible à domicile. C’est aussi le souhait des pouvoirs publics. Mais des réformes structurantes sont indispensables pour y parvenir.

Rester à domicile le plus longtemps possible, avec la meilleure qualité de vie possible, est un des souhaits les plus chers des personnes malades. On estime d’ailleurs à 60% la proportion de personnes malades d’Alzheimer qui vivent à domicile, les 40 % restants résidant en établissement. Mais les obstacles sont nombreux : inadéquation entre la grille Aggir (autonomie, gérontologique groupes iso-ressources) et les besoins réels de la personne malade, manque de structures de répit pour l’aidant…

Et si la réponse venait de la 5e branche ? La Sécurité sociale compte aujourd’hui quatre branches : famille, maladie, accidents du travail et retraites. La 5e branche sera consacrée au soutien à l’autonomie et elle sera confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette idée, propulsée au plus fort de la crise sanitaire, est aujourd’hui sur les rails. Elle a même été actée dans une loi, le 7 août dernier. Mais tout reste à faire à en croire Stéphane Corbin, directeur général adjoint de la CNSA. À commencer par définir avec précision ce que couvre le périmètre de l’autonomie et comment il peut se décliner en politiques publiques intégrées et cohérentes.

Étroitement lié à la 5e branche, un autre chantier politique doit permettre de soutenir le maintien à domicile : la loi Grand âge et autonomie. De nombreuses fois annoncée et autant de fois reportée, cette loi est maintenant promise début 2021 par Emmanuel Macron. Elle vise notamment à changer de modèle d’Ehpad, mais aussi de modèle de maintien à domicile. Vaste chantier… « Soit vous n’êtes pas chez vous, soit vous l’êtes, mais en restant isolés et sans accès à des services de qualité du fait d’un éloignement ou d’un manque de moyens, ça ne va pas », glisse Stéphane Corbin.

En d’autres termes : tous les aidants ne sont pas égaux face à ce que les pouvoirs publics peuvent proposer. Une équation qu’il faut résoudre. « Le changement de modèle passera onc également par une meilleure modalité de financement du domicile », enchaîne le directeur adjoint de la CNSA. « Il faut aussi neutraliser la vision trop sanitaire de la prise en charge, avec une articulation entre les champs qui se fait mal aujourd’hui. » Voilà des propos qui mettent le médico-social sur le devant de la scène. Ces deux secteurs, le sanitaire et le médico-social, doivent travailler main dans la main et être mieux coordonnés, pour le bien des personnes malades et des aidants. Ces propos ne peuvent que plaire à des acteurs du médico-social, comme l’ADMR (Aide à domicile en milieu rural), qui attend beaucoup de la loi Grand âge et autonomie. « Nous avons besoin au plus vite d’une loi ambitieuse, à la hauteur d’un enjeu majeur : assurer aux personnes leur autonomie, leur dignité, et la place à laquelle elles ont droit dans notre société », soulignent Marie-Josée Daguin et Thierry d’Aboville, président et secrétaire général de l’Union nationale ADMR. Une des 30 propositions formulées en juillet 2020 par l’ADMR dans le cadre des contributions à la loi Grand âge et autonomie est révélatrice : inclure un volet médico-social au dossier médical partagé.

La crise due à la Covid-19 a d’ailleurs montré que c’était possible, sur plusieurs territoires, de faire tomber les cloisons entre les champs sanitaire et médicosocial. « Depuis longtemps, on essaie de faire en sorte que les professionnels se coordonnent sur les territoires avec notamment les fameuses CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, qui doivent rassembler les professionnels de santé et du secteur médico-social sur les territoires », explique Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale. « C’est quelque chose qui paraissait pour beaucoup être une usine à gaz, et on a vu, au cours de cette crise, des groupes WhatsApp qui se sont créés entre professionnels de ces deux secteurs. Au lieu d’être ces CPTS administratives, d’abord reconnues par l’ARS et qui après réfléchissent à ce qu’ils pourraient faire ensemble, il y a eu un peu le mouvement inverse avec un besoin de se réunir, un besoin de terrain qui fait qu’on se dit que c’est vraiment une nécessité. »

Autre axe important à développer pour favoriser le maintien à domicile : le rôle des professionnels, « trop longtemps délaissés », estime le directeur adjoint de la CNSA. « Il faut recréer des filières de formation, mieux prendre en compte les qualifications. »
Dernier enjeu à ne pas oublier pour Stéphane Corbin : on ne fera pas de politique de l’autonomie demain sans prendre en compte l’expression des besoins des personnes elles-mêmes. « Aujourd’hui, on a un vrai déficit de démocratie médico-sociale. Je suis d’ailleurs abasourdi par le silence des Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie pendant cette crise sanitaire. Il faut réfléchir à d’autres modes d’instances à mettre en place. »

Les sujets sont nombreux. Le travail est immense. Si la volonté est là, reste un énorme problème : le financement de la 5e branche et des projets qui émaneraient de la loi Grand âge et autonomie. Mais ça, c’est une autre paire de manches.