1 mars 2022
Surprotection : comment sortir de cet engrenage ?

Surprotection – La peur du regard des autres et celle de voir le proche malade être confronté à des personnes ayant des troubles plus évolués poussent des couples aidant/aidé à s’isoler. Or, le lien social et les activités conviviales peuvent être bénéfiques pour tout le monde.

La tentation de se replier et de protéger, voire de surprotéger le proche malade se trouvant à un stade débutant ou modéré de la maladie est grande pour des aidants accompagnant, à domicile, une personne touchée par la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. Cette tentation, si elle est tout à fait compréhensible, peut pourtant s’avérer être contre-productive.

Deux craintes poussent surtout des aidants à se replier.

« La première concerne la peur du jugement des autres, qui, faute de connaissances ou de patience, ne sont pas toujours compréhensifs ou bienveillants. » explique Judith Mollard-Palacios, psychologue au sein de l’association France Alzheimer et maladies apparentées. « À l’occasion d’une sortie, la personne malade pourrait être témoin d’un regard déplacé et en subir les conséquences. L’aidant peut aussi être gêné par une situation causée par un trouble soudain de son proche qu’il ne pourrait pas justifier aux inconnus qui passent. Cela peut pousser le couple à éviter de plus en plus les situations sociales qui, de leur point de vue, mettent en échec ou provoquent la gêne.»

Une autre crainte est parfois évoquée par des aidants hésitant à franchir le pas de l’association : celle de confronter leur proche malade à la présence de personnes ayant des symptômes plus avancés. « Chez des aidants, il y a souvent le souci de prévenir, de protéger. Sauf qu’à force de prévenir, de protéger des réactions supposées difficiles ou douloureuses pour le proche, ils risquent de se couper progressivement des activités qui font le sel, la qualité de la vie. »

Or, participer à des activités et maintenir le lien social sont bénéfiques pour les personnes malades. En l’absence de traitement curatif, cela leur permet d’espérer retarder la progression de la maladie. Cela offre aussi aux aidants des solutions de répit pour éviter l’épuisement physique et psychologique. « Le risque donc, c’est qu’en voulant protéger le proche malade, on en arrive à l’exact inverse de ce que l’on souhaite. »

Isolement – Le rôle, parfois négatif, du médecin

La psychologue Susanne Öhrn acquiesce. Elle ajoute un autre élément, aggravant: le rôle parfois négatif du médecin. « Pas plus tard que la semaine passée, une aidante m’a dit que le neurologue avait annoncé la maladie de son mari, malade jeune, en disant qu’il n’y avait pas de perspective d’amélioration, qu’il n’y avait rien à faire, que c’était comme ça. Il a même ajouté que ce n’était pas lapeine de revenir. »

Pour Susanne Öhrn, ce type d’annonce peut renforcer l’isolement. « Si un médecin dit qu’on ne peut rien faire, alors l’aidant va se demander à quoi bon dépenser de l’énergie et sortir. À quoi bon sortir de sa zone de confort. »

 

Surprotection – Quelles solutions ?

Pour éviter de choisir la voie de l’isolement, Judith Mollard-Palacios encourage l’aidant à s’entourer de personnes, de pairs, vivant la maladie et en capacité de comprendre ce qu’elle implique. Ce cadre de confiance et cette sécurité affective peuvent se trouver dans certains dispositifs proposés par le réseau France Alzheimer et maladies apparentées comme les groupes de parole, les cafés-mémoire ou encore les halte-relais. « L’aidant doit trouver des lieux où évoquer ses craintes, partager ses hésitations mais aussi gagner en confiance. C’est plus facile d’aller avec un groupe de personnes malades et d’aidants au musée que seul, isolé, avec la crainte d’une réaction inadaptée du proche malade. Il ne faut pas rester seul. En fait, c’est le premier conseil: ne pas rester seul. Le groupe va donner un sentiment de soutien, une forme de guidance. »

 La psychologue plaide aussi pour le partage des ressentis au sein du couple aidant/ aidé et ce pour éviter de penser « à la place de» et de prendre des décisions unilatérales. « Avant de penser que la personne va être en difficulté ou souffrir d’une situation, que ce soit du regard extérieur ou de la présence de personnes ayant des symptômes plus évolués, il faut tout d’abord lui en parler. On pourrait être surpris des capacités d’adaptation et de résilience de la personne malade. Des aidants familiaux peuvent sous-estimer, dans un but de protection, les compétences préservées du proche malade. »

 L’expérience du programme Vivre avec la maladie développé par l’association a d’ailleurs montré qu’entre elles, les personnes malades font preuve d’une très grande bienveillance et de beaucoup d’entraide lorsqu’elles sont confrontées, par exemple, à des difficultés de langage ou de mémoire. Les échanges permettent d’une part de relativiser son propre handicap et d’autre part de découvrir de nouvelles complémentarités, les compétences de l’un venant pallier les difficultés de l’autre et vice-versa.

 

Le besoin d’une parole extérieure, et objective

La psychologue Susanne Öhrn est d’accord avec ces idées, mais elle y voit un éventuel problème.

« Si l’aidant n’est pas convaincu, s’il est encore un peu dans le déni, il pourrait choisir des mots qui n’engagent pas à participer à telle ou telle activité, préférant montrer ce qu’on a à y perdre plutôt que ce qu’on a à y gagner. Il pourrait induire une réponse négative. Il est préférable que l’idée soit amenée par une personne extérieure comme un médecin ou un autre professionnel du secteur, au moment du diagnostic par exemple, pour autant qu’ils tiennent un discours adéquat. L’idée est de dire que oui, on ne peut pas guérir la maladie, mais il reste de bons moments à vivre. Il faut mettre l’accent sur les capacités d’adaptation et les capacités préservées de la personne malade. »

 Un jour, la personne malade ne sera plus capable de prendre les bonnes, les meilleures décisions pour elle-même. Il est préférable d’anticiper ce moment, et de songer aux dispositifs juridiques de protection de la personne, comme la curatelle, la tutelle et la sauvegarde de justice.

Six dispositifs juridiques

Des dispositifs juridiques visent à protéger la personne malade en perte d’autonomie. Il est préférable d’y aller progressivement, d’en discuter avec la personne malade, et de changer de mesure en fonction des avancées de la maladie.

  Le mandat de protection future

permet à toute personne majeure (appelée mandant) de désigner à l’avance une ou plusieurs personnes (appelée mandataire) pour la repré- senter le jour où elle ne sera plus en capacité de gérer ses intérêts. Le mandataire pourra protéger les intérêts personnels et/ou patrimoniaux.

L’habilitation du conjoint

permet à l’un des époux de représenter l’autre, et d’agir ainsi en son nom. Il faut que l’époux ne soit pas en mesure d’exprimer sa volonté au quo- tidien, de faire ou de comprendre des actes de la vie courante. La de- mande se fait auprès du juge des contentieux de la protection.

L’habilitation familiale

permet à un proche (descendant, ascendant, frère ou sœur,époux ou épouse, concubin, partenaire de Pacs) de solliciter l’autorisation du juge pour représenter une personne qui ne peut pas manifester sa volonté.

La sauvegarde de justice

est une mesure de protection de courte durée. Elle permet à un majeur d’être représenté pour accomplir certains actes de la vie courante. Le ma- jeur conserve l’exercice de ses droits, sauf exception. Il existe deux types de mesures de sauvegarde de justice : une médicale et une judiciaire.

La curatelle

est une mesure destinée à protéger un majeur qui, sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin d’être conseillé ou contrôlé dans certains actes de la vie civile. La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la me- sure de sauvegarde de justice serait une protection insuffisante.

La tutelle

est une mesure judiciaire destinée à protéger une personne majeure et de son patrimoine si elle n’est plus en état de veiller sur ses propres intérêts. Un tuteur la représente dans les actes de la vie civile. Le juge peut énumé- rer, à tout moment, les actes que la personne peut faire seule ou non.

Source : www.service-public.fr