13 décembre 2021
La mémoire de travail : définition, fonctionnement, troubles…

La mémoire de travail est une forme de mémoire à court terme qui permet de stocker et manipuler des informations pendant une courte durée (quelques secondes) en vue de les utiliser pour accomplir une tâche. Sans cesse mobilisé dans nos activités quotidiennes, ce système cognitif est notamment essentiel au bon déroulement des interactions sociales, à l’expression, au raisonnement et à l’autonomie. Active dans de nombreuses régions du cerveau, la mémoire de travail est diffuse et n’est pas rattachée à une structure précise, rendant son étude chez l’Homme assez compliquée. Quand intervient-elle, comment fonctionne-t-elle et comment est-elle affectée par le vieillissement et la démence ? Nos réponses dans cet article.

Quand se sert-on de la mémoire de travail ?

La mémoire de travail est sollicitée à chaque fois que nous cherchons une information, que nous participons à une conversation, lisons un texte, procédons à un raisonnement, résolvons un problème ou commençons un nouvel apprentissage.

Voici quelques exemples de situations dans laquelle il est nécessaire de faire appel à la mémoire de travail :

 

  • Un serveur prend une commande, et doit mémoriser le choix de chaque personne de la table pendant quelques secondes le temps de se rendre en cuisine pour restituer les informations.
  • Lors d’un débat, l’interlocuteur n°1 écoute les arguments de l’interlocuteur n°2. Il les analyse pour préparer son argumentation tout en continuant à l’écouter.
  • Vous êtes en train de lire un roman et devez mémoriser temporairement le début de la phrase jusqu’à finir de la lire pour en comprendre le sens.
  • Vous faites un gâteau à partir d’un livre de recettes. Vous lisez “Cassez 3 oeufs dans le saladier, ajoutez 150 grammes de sucre et mélangez”. Vous gardez ces données en mémoire le temps de sortir les ingrédients nécessaires et de les ajouter à votre préparation dans les quantités indiquées.

 

Comment fonctionne la mémoire de travail ?

Les psychologues Alan Baddeley et Graham Hitch sont les inventeurs du concept de mémoire de travail. Pour expliquer son fonctionnement, ils proposent un modèle constitué de deux systèmes de stockage différents, la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial, supervisés par un mécanisme de coordination, l’administrateur central.

 

La boucle phonologique

La boucle phonologique a pour fonction de garder en mémoire les informations verbales entendues ou lues. Elle se compose d’un espace de stockage pour les informations verbales, appelé “stock phonologique”, ainsi que d’un système de répétition, qui répète mentalement le contenu du stock phonologique.

Pour conserver des informations verbales en mémoire, nous nous les répétons. La répétition, autrement appelée “récapitulation articulatoire” permet de réactualiser les informations pour prolonger leur conservation dans le stock phonologique. Sans cela, elles disparaissent en moyenne au bout de deux secondes.

 

Exemple d’utilisation de la boucle phonologique :

Vous approchez de chez votre ami et décidez de l’appeler pour anticiper l’accès à son immeuble. Il vous communique le digicode de sa porte d’entrée : 18A67. Vous raccrochez et répétez dans votre tête “18A67, 18A67, 18A67…” jusqu’à arriver devant la porte pour taper le code.

 

Le calepin visuo-spatial

Le calepin visuo-spatial occupe une fonction similaire, mais pour les informations visuelles. Il est donc lui aussi composé d’un espace de stockage et d’une boucle de répétition.

Un très bon exemple d’utilisation du calepin visuo-spatial est le jeu Memory. Un jeu de cartes bien connu dans lequel le joueur doit retrouver des paires de cartes aux illustrations identiques en les retournant deux par deux. Au tour précédent, le joueur a retourné la carte représentant un canard, puis une carte différente. Au prochain tour, il retourne la deuxième carte représentant un canard, et doit donc se rappeler où était celle qu’il a retournée au tour précédent pour la retourner et remporter les cartes. Pour cela, il a mémorisé l’image de la carte et son emplacement sur la table, et s’est répété cette information pour la maintenir en mémoire jusqu’au prochain tour.

Autres exemples d’utilisation du calepin visuo-spatial :

  • Vous marchez dans la rue et croisez un visage familier. Vous êtes persuadé qu’il s’agit d’une célébrité, mais impossible de savoir qui. Vous allez donc maintenir le visage et les caractéristiques physiques de cette personne en mémoire le temps de pouvoir la décrire à votre ami pour éclaircir le mystère.
  • Vous lisez un article de magazine durant la pause. Votre collègue vous appelle pour vous poser une question. Sans forcément en avoir conscience, vous lui répondez tout en gardant en tête l’endroit de la page auquel vous devrez reprendre votre lecture.

 

L’administrateur central

La boucle phonologique et le calepin visuo-spatial sont coordonnés par l’administrateur central. L’administrateur central est une composante de la mémoire de travail qui permet la réalisation de deux tâches en même temps : le stockage et le traitement de l’information.

 

Par exemple :

  • Jules est interprète en langue des signes. Pour signer le discours d’un élu régional, il doit retenir ce qu’il dit (stockage) et le traduire en langue des signes (traitement).
  • Lors d’un exercice de calcul mental, l’instituteur énonce oralement l’opération à effectuer sans l’écrire au tableau. L’élève doit se souvenir de l’opération (stockage) et effectuer le calcul mental pour parvenir au bon résultat (traitement).

 

Mémoire de travail, vieillissement et maladie d’Alzheimer

 

La mémoire de travail est impactée par le vieillissement normal du cerveau. Si les capacités de stockage et de traitement de l’information ne sont que peu altérées avec l’âge, de nombreuses études révèlent que les capacités d’attention s’amenuisent, entraînant des difficultés à bien s’imprégner des informations (processus d’encodage) et à s’en rappeler (processus de récupération).

De plus, l’âge aurait un impact sur la capacité à bien imprimer des informations jugées moins pertinentes. Les adultes âgés sans pathologie particulière peuvent donc éprouver des difficultés à réaliser des tâches complexes faisant appel à la mémoire de travail, sans pour autant que ça ne soit un signe précurseur de démence.

 

En revanche, les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer voient leur mémoire de travail plus sérieusement endommagée. Ils rapportent fréquemment des difficultés à suivre des conversations, à gérer leurs finances, à faire des calculs simples, etc.

Bien que l’on associe souvent la maladie d’Alzheimer à la mémoire épisodique, à savoir la mémoire des événements vécus, les troubles cités précédemment relèvent bel et bien de la mémoire de travail. Alors qu’un sujet sain est capable de retenir et restituer une suite de plus ou moins 7 éléments différents, les expériences ont montré que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer échouent la plupart du temps à les restituer, ne serait-ce qu’au nombre de 5 (épreuve des 5 mots de Dubois). Les parties de la mémoire de travail qui sont atteintes et l’ampleur du déficit mnésique varie toutefois grandement en fonction des patients. Ces différences interindividuelles pourraient être liées au niveau d’évolution de la maladie, mais aussi à la présence de maladies vasculaires ou de signes dépressifs.