12 janvier 2022
La mémoire auditive : quand les oreilles se souviennent

Vous êtes-vous déjà demandé comment vous parveniez à identifier instantanément la voix de votre mère ou les premières notes de votre chanson préférée, ou comment vous saviez que le bruit que vous avez entendu est celui d’une porte qui claque ou d’une voiture qui démarre ?

Tous ces processus cognitifs, souvent inconscients, relèvent de ce que l’on appelle la mémoire auditive. En quoi consiste-t-elle et comment fonctionne-t-elle ? Comment peut-elle être altérée par différentes pathologies et comment peut-on l’améliorer ?  

 La mémoire auditive, qu’est-ce que c’est ?  

Si notre système de perception auditive nous permet d’entendre les sons auxquels nous sommes exposés, c’est la mémoire auditive qui nous permet de les identifier. La mémoire auditive fait partie de la mémoire sensorielle, au même titre que la mémoire visuelle, la mémoire olfactive ou la mémoire kinesthésique. Elle intervient dans la mémoire à court terme en permettant de retenir, pendant une durée très courte de quelques secondes, des informations de nature sonore 

 La mémoire auditive est notamment sollicitée par la mémoire de travail, et plus précisément la boucle phonologique. Pour rappel, la mémoire de travail est une forme de mémoire à court terme permettant de retenir et de manipuler des informations de façon temporaire en vue d’accomplir une tâche (retenir un numéro de téléphone le temps de le noter, écouter la demande d’un client avant d’aller la transmettre au service concerné, écouter une question tout en commençant à chercher la réponse, etc.). Dans ce système de mémoire, la boucle phonologique a pour fonction de conserver les informations verbales entendues ou lues en les répétant mentalement jusqu’à ce qu’elles puissent être utilisées.  

 Lorsque l’information perçue est non verbale, on parle de mémoire échoïque. La notion de mémoire échoïque, introduite par le psychologue américain ​​Ulric Neisser en 1967, désigne la persistance acoustique, ou la capacité à conserver en mémoire une information sonore, pouvant varier de 4 à 20 secondes selon le niveau de distraction du sujet. La mémoire échoïque fait intervenir l’organe perceptif de chaque oreille et le cortex auditif primaire controlatéral.  

Le traitement d’un stimulus auditif verbal s’en distingue car il sollicite les aires cérébrales du langage, notamment le cortex prémoteur gauche et le cortex pariétal postérieur gauche. 

Il existe par ailleurs une forme de mémoire auditive à long terme, qui prend la forme d’une base de connaissances auditives. C’est ce système de mémoire qui explique que l’on comprenne les mots que l’on entend, que l’on reconnaisse la voix de nos proches et les sons du quotidien.  

 Une autre forme de mémoire auditive, dite mémoire acoustique, nous permettrait de mémoriser des “images sonores” avec leur contexte pendant un certain temps, dans le but, entre autres, de le comparer avec un événement sonore plus récent. Il s’agit donc d’une forme de mémoire épisodique, à savoir la mémoire autobiographique, celle des événements vécus.  

 En somme, la mémoire auditive n’est pas un système de mémoire unique, mais plutôt une composante protéiforme et très importante de plusieurs systèmes de mémoire 

 

Quand utilise-t-on la mémoire auditive ?  

La mémoire auditive est sollicitée chaque jour, dans nos interactions sociales ou nos divertissements. Voici quelques exemples de situations dans lesquelles on utilise la mémoire auditive :  

 Vous regardez un jeu télévisé, l’animateur commence à énoncer sa question, vous mémorisez son contenu pour trouver la réponse. 

  • Une personne se présente à vous en vous donnant son prénom, un prénom que vous n’aviez jamais entendu auparavant. Vous mémorisez les sonorités de ce prénom pour pouvoir vous adresser à cette personne ultérieurement.  
  • Vous cherchez à imiter une célébrité pour amuser vos amis, vous cherchez en mémoire un souvenir de cette personne en train de parler pour parodier ses manières.  
  • Au cours d’une conversation, sans même vous en rendre compte, vous utilisez votre mémoire auditive pour faire le lien entre les sons que vous entendez et le sens des mots qu’ils forment.  
  • Vous participez à un blind test. En entendant les premières notes d’une mélodie bien connue, vous cherchez activement à trouver de quelle chanson il s’agit.  
  • Votre téléphone sonne, c’est un numéro qui n’est pas enregistré. Vous décrochez et entendez une voix familière. C’est votre mémoire auditive qui vous permet de reconnaître instantanément la voix votre ami, qui vous appelle depuis son nouveau numéro.  

 

Quelques astuces pour améliorer sa mémoire auditive 

Certaines personnes possèdent une mémoire auditive plus performante que d’autres. C’est notamment le cas de Mozart, qui aurait retranscrit de mémoire le Miserere d’Allegri – une  polyphonie complexe de près de 15 minutes – après l’avoir entendu lors d’une messe pascale à la Chapelle Sixtine. L’épreuve finale du jeu télévisé Burger Quiz, qui consiste à écouter une série de 10 questions puis à répondre à chacune d’entre elles dans l’ordre, a également mis en évidence des candidats aux capacités mnésiques impressionnantes.  

Mais ces aptitudes ne sont pas innées, elles se travaillent et peuvent s’améliorer grâce à quelques exercices dont voici quelques exemples :  

  •  S’entraîner à mémoriser le son des instruments de musique : de nombreuses vidéos disponibles sur Internet proposent d’entendre le son de différents instruments de musique et de deviner à quels instruments ils appartiennent, en donnant la réponse quelques secondes plus tard. Visionner ces vidéos plusieurs fois jusqu’à reconnaître spontanément un instrument au son qu’il produit est un excellent exercice pour améliorer sa mémoire auditive.  

Cet exercice peut se décliner avec toutes autres sortes de sons : bruits d’animaux, bandes originales de films ou génériques de séries, voix célèbres, langues…  

  •  Retranscrire un contenu audio par écrit en décalé : écoutez un contenu audio de moins de 5 minutes dans lequel une personne parle distinctement. A l’issue de plusieurs écoutes, essayez d’écrire ce que vous avez entendu en rappelant un maximum d’informations avec la meilleure précision possible et le plus rapidement possible, puis réécoutez l’audio et comparez-le avec votre écrit. Vous pouvez ensuite répéter l’exercice en réduisant le nombre d’écoutes qui précèdent la retranscription jusqu’à obtenir un résultat proche du contenu original.  

Un exercice similaire consiste à vous faire dicter une liste de mots plusieurs fois, dans un ordre différent à chaque fois, et de rappeler un maximum de mots de cette liste par écrit.  

 

Les troubles de la mémoire auditive  

Les troubles de la mémoire auditive sont fréquents, souvent mal détectés et responsables de troubles de l’apprentissage, notamment chez les enfants. Un enfant qui a développé un trouble de la mémoire auditive peut éprouver des difficultés à comprendre des consignes scolaires, par exemple, ou avoir besoin de plus de temps pour comprendre une notion simple. Mais ce type de trouble entrave surtout l’acquisition du langage, qui repose en grande partie sur l’écoute et la répétition de sons.  

Ces difficultés peuvent causer un cercle vicieux dans lequel l’enfant perd confiance en sa capacité à apprendre et à comprendre, se frustre et ne parvient pas à se concentrer. Un trouble de la mémoire auditive peut donc être à l’origine, ou confondu avec un trouble du comportement, un trouble de l’attention, une dyslexie ou une dyscalculie 

Chez l’adulte, la mémoire auditive peut être endommagée par une lésion du cerveau, notamment au niveau du cortex préfrontal et du carrefour temporo-pariétal.  

 La mémoire auditive est impactée par la maladie d’Alzheimer en tant que composante de la mémoire sémantique (mémoire des savoirs et connaissances théoriques) et de la mémoire à court terme. Mais plus que la mémoire auditive, ce serait la perte auditive qui aurait le plus d’incidence sur l’évolution de la maladie. Une personne qui subit une perte d’audition, lassée d’avoir à demander à ses interlocuteurs de se répéter, peut se couper progressivement du monde. On sait que l’isolement et la dépression sont des facteurs aggravants dans la survenue et l’évolution de démences. De plus, la gêne que cause la perte auditive dans l’apport d’informations peut majorer considérablement le déficit mnésique causé par la maladie d’Alzheimer.  

 Le lien exact entre la perte auditive et la maladie d’Alzheimer reste encore à approfondir par la recherche, mais l’appareillage auditif des personnes auxquelles on a diagnostiqué une maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée pourrait retarder significativement l’apparition des signes de démence