21 novembre 2019
Mayotte, l’art de la débrouille et une volonté sans faille

Créée en 2016, l’association France Alzheimer et maladies apparentées de Mayotte a mis sur pied une consultation mémoire à distance. Elle soutient et monte d’autres projets.

Mayotte, petit archipel entre le Mozambique et Madagascar, est un département français de 260 000 habitants. Un département où peu ou rien n’existait il y a quelques années pour les quelque 1.400 personnes qui seraient touchées par la maladie d’Alzheimer.

L’association France Alzheimer et maladies apparentées a été mise sur pied en avril 2016. « En 2009, j’ai fait un master 2 en métropole, à Perpignan, en sociologie en Pratiques et interventions sociales. Mon mémoire portait sur la prise en soins des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer dans l’Ehpad où je travaillais », explique Zalia Hamada-Faki, chargée de missions à France Alzheimer Mayotte. « Je suis ensuite rentrée à Mayotte. »

Une étude a été initiée, puis une rencontre avec l’association de la Réunion. « Un séminaire était prévu en février 2016 à Mayotte pour parler de la maladie d’Alzheimer. Mais il fallait trouver des témoignages et j’ai lancé un appel via un communiqué. Le séminaire est passé et les familles ont voulu se réunir. Les premières rencontres, c’étaient surtout des pleurs », se souvient Zalia Hamada-Faki. « L’association a ensuite été créée et l’année 2016 a surtout été celle des démarches, pour mettre en place la formation des aidants notamment. »

Mais cela a permis de libérer la parole. « On ne connaissait pas vraiment la maladie avant, à Mayotte », souligne Sittina Anlli, présidente de l’association mahoraise. « Les personnes malades étaient très entourées par la famille, mais on n’osait pas vraiment dire les choses. Il y avait une sorte de honte pour certains. La création de l’association a permis de comprendre que plein de personnes étaient concernées à Mayotte. »

Autres problèmes rencontrés à Mayotte : pas de neurologue, des médecins généralistes pas assez formés, pas de consultation mémoire, pas d’Ehpad, pas d’accueil de jour…

Une consultation mémoire… à distance

Alors, à Mayotte, c’est l’associatif qui a dû faire bouger les lignes. « Pour la première Journée mondiale Alzheimer en 2016, une neurologue de la Réunion est venue et elle a fait le tour du territoire », explique la chargée de missions. « Elle a pu poser des diagnostics et de là est née une idée : une consultation mémoire à distance, par vidéo, grâce à notre association et à notre partenaire, le réseau Aloïs. C’est une sorte de visioconférence avec des neurologues à Paris. Huit sessions par mois sont organisées. Et les personnes sont reçues au siège de l’association à Chiconi où elles sont accueillies par des assistants qui ont été formés pour l’évaluation neuropsychologique et la pose du diagnostic. Ce projet a été lancé en août 2018. »

Et cette consultation mémoire à distance fonctionne très bien. Mais l’association mahoraise veut aller plus loin. « Un de nos projets est de disposer d’un bus itinérant et de l’équiper pour sensibiliser la population et pour notre consultation mémoire. Nous devons aller au plus près de la population parce que tous ne peuvent pas venir à notre siège à Chiconi », indique Zalia Hamada-Faki.

Autres projets soutenus par l’association : la création d’un Ehpad, d’un accueil de jour et d’une plateforme de répit.

Deux atouts : une capacité d’adaptation et une volonté de fer

Tout ou presque est à construire à Mayotte. « Oui, au début, c’était beaucoup de pleurs. Mais nous avons avancé. Quand l’association a été créée, je me suis dit : « Il faut que je lève ». Et pas seulement pour ma mère qui a la maladie d’Alzheimer, mais pour tout le monde », glisse Sittina Anlli. « Ça m’émeut de voir l’association évoluer comme elle le fait. Les membres de l’association sont très actifs et très motivés. Nos partenaires nous encouragent. Et à Mayotte, même si nous n’avons pas d’Ehpad, même si nous n’avons pas de neurologue, même si nous n’avons pas d’accueil de jour, nous nous adaptons. C’est une de nos forces. Nous essayons d’organiser des groupes de parole, des formations des aidants, pour aider les personnes malades et les proches aidants. »

Autre point fort de l’association à Mayotte : la détermination de ses membres. « Pour faire avancer les projets, il faut bousculer, il faut chercher des partenaires… Quand Zalia et moi sommes à Paris par exemple, nous ne sommes pas là pour nous croiser les bras. Nous cherchons des partenaires. Je m’engage parce que je veux que ça bouge. Parce Mayotte, c’est Zalia, c’est moi, c’est toute la population. On ne lâchera rien. »