3 octobre 2018
« Les aidants salariés ne doivent pas rester seuls »

A 51 ans, Valérie Rousseau travaille comme aide-soignante tout en accompagnant son mari, Christian, atteint de la maladie d’Alzheimer. Si continuer son activité professionnelle « lui fait du bien », la double responsabilité qu’elle assume au quotidien la fatigue énormément. Son conseil aux aidants salariés : ne surtout pas s’isoler.

France Alzheimer : Comment parvenez-vous à mener votre activité professionnelle tout en étant l’aidante de votre conjoint ?

Valérie Rousseau : Christian est en arrêt longue maladie depuis 2016, il avait été diagnostiqué deux ans plus tôt. J’exerce toujours comme aide-soignante dans un hôpital de Créteil, mon employeur est au courant de ma situation. J’ai voulu attendre que le diagnostic soit définitif pour l’évoquer autour de moi. Je ne l’ai jamais caché non plus, mais il faut qu’on me le demande pour que j’en parle. Mes horaires n’ont pas été aménagés mais je ne travaille plus au contact des patients, je suis maintenant affecté à un laboratoire de l’hôpital. Ce n’est pas mon travail qui me fatigue ni mon rôle d’aidante, c’est l’accumulation des deux qui est difficile à gérer. Continuer mon activité me fait du bien, cela me permet de voir autre chose, mais il faut tout le temps être à fond, au travail puis à la maison et c’est très compliqué. Et que se passerait-il si je tombais malade à mon tour ?

Quelles difficultés rencontrez-vous concrètement ?

V.R. : Il y a premièrement les conséquences financières, Christian ne touche plus qu’un demi-salaire aujourd’hui. Il n’y a aucune aide pour les personnes malades âgées de moins de 60 ans. Je ne peux pas m’arrêter ou prendre du temps pour moi. Je pourrais prendre un congé mais il ne serait pas rémunéré donc c’est impossible. Certains de mes collègues s’occupent de leurs parents malades, ils me comprennent mais aucun n’est dans la même situation que moi. On reste seul quand on est concerné par la maladie d’Alzheimer, encore plus pour les malades jeunes. Même si on est issue du secteur hospitalier comme c’est mon cas, on est démuni quand cela nous arrive. Créer un statut d’aidant ? Oui mais quel montant serait fixé ? Il ne faut pas que l’on soit perdant financièrement. Si c’est pour toucher 300 euros par mois autant ne rien faire.

« Que se passerait-il si je tombais malade ? »

Etes-vous accompagné par des professionnels de santé ?

V.R. : Quand je suis au travail, Christian doit rester seul à la maison pendant toute la journée. Pour l’instant personne ne vient, l’autonomie de Christian est le plus important pour moi aujourd’hui.  Mais je connais la maladie, je sais à quoi m’attendre. Je veux simplement faire appel à une aide extérieure le plus tard possible.

Comment vous êtes-vous rapprochée de l’Association et comment vous aide-t-elle aujourd’hui ?

V.R. : Au moment de l’annonce de la maladie de Christian, je me suis débrouillée seule. J’étais un peu dans le déni au départ. Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? C’est difficile d’accepter que tous nos projets tombent à l’eau comme cela. Il m’a fallu un peu de temps pour contacter France Alzheimer. Nous sommes maintenant adhérents depuis deux ans. L’Association m’a apporté beaucoup d’aide au niveau administratif mais aussi un soutien moral et la possibilité de rencontrer des gens qui peuvent vraiment nous comprendre car ils connaissent ces situations. Participer aux actions nous fait du bien, cela nous offre une sortie. Christian participe souvent aux repas des familles. Tous les mois, nous participons aux actions menées par France Alzheimer, je prends même des jours de repos pour pouvoir l’accompagner.

Quels conseils donneriez-vous aux aidants qui vivent la même situation que vous ?

V.R. : Ne surtout pas rester seuls, il faut se tourner vers des personnes qui sont dans le même cas. On ne parle pas beaucoup lors des premières réunions auxquelles on participe mais progressivement les échanges sont devenus plus nombreux. Christian aime toujours faire du vélo, les relations avec notre entourage sont toujours bonnes. Nous allons souvent au cinéma ensemble, on sort, on va au restaurant… On fait tout pour avoir une vie normale.

AIDANTS EN ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE : LE CASSE-TÊTE DE LEUR DOUBLE VIE !

Invités d’Alzheimer la radio le 14 septembre dernier, le député Pierre Dharréville et Catherine Lainé, aidante en activité professionnelle, répondent aux questions de nos auditeurs.

Pour écouter le podcast, c’est ici : https://radiofrancealzheimer.org/broadcast/4531-Aidants-en-activité-professionnelle-le-casse-tête-de-leur-double-vie