8 mars 2023
Interview de Paola Barbarino, Directrice d’Alzheimer’s Disease International

ADI plaide pour que la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées soient reconnues à l’échelle mondiale comme une priorité de santé publique. Pourquoi ? Quels sont les principaux enjeux ?

La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées sont des pathologies qui ne connaissent pas de frontières et qui nous affectent tous directement, quel que soit notre statut socio-économique ou notre origine. Elles sont la 7e cause de décès dans le monde et la 2e cause de décès en France. Actuellement, 55 millions de personnes en sont atteintes dans le monde, un nombre qui devrait presque tripler d’ici 2050. C’est pour cette raison que nous devons reconnaître ces pathologies pour ce qu’elles sont, une priorité de santé publique mondiale. Des accords multilatéraux, bilatéraux et régionaux sont essentiels si nous voulons faire face à cette crise. Nous devons lutter, non pas en silos mais en tant que communauté mondiale.

Le 21 septembre, ADI a publié le Rapport mondial sur la maladie d’Alzheimer 2022, qui cette année se concentre sur le sujet de l’accompagnement post-diagnostic pour les personnes malades et leurs proches aidants. À quel point la situation est-elle critique dans ce domaine ?

Les résultats de l’étude ont confirmé ce que nous avons malheureusement appris en écoutant la voix des personnes malades et de leurs soignants : nous estimons que 85% des personnes atteintes de ces pathologies neuro-évolutives ne reçoivent pas le soutien post-diagnostic dont elles ont désespérément besoin. Fournir ce soutien présente pourtant de nombreux avantages pour la société. Actuellement, les maladies d’Alzheimer et apparentées coûtent à l’économie mondiale 1,3 milliard de dollars américains. Un chiffre qui devrait atteindre 2,8 d’ici 2030, plus de 50 % de ces coûts étant liés à l’aide informelle (qui représente globalement l’équivalent de 65 millions de travailleurs à temps plein !). Fournir un traitement, des soins et un soutien adéquats, dans le cadre d’un parcours de soins adapté, garantit la préservation de l’autonomie des personnes concernées, le plus longtemps possible. Et le soutien aux aidants est un autre domaine critique qui ne doit pas être négligé.

Du fait du Plan Alzheimer 2008-2012, la France a été perçue comme un “bon élève” dans la lutte contre ces pathologies. Est-ce encore le cas ?

La France a traditionnellement été une boussole dans ce domaine, avec l’action conjointe de l’ancien Président Nicolas Sarkozy et de l’ancien Premier ministre britannique David Cameron, initiateurs d’efforts de sensibilisation lors du sommet du G8 de 2013. A ce titre, nous avons mis en avant le “Plan Alzheimer 2008-2012” de la France comme une étude de cas pour les Etats membres souhaitant eux-mêmes mettre en oeuvre un plan et se conformer à leur engagement dans le cadre du Plan d’action mondial de lutte contre la “démence” 2017-2025 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

« La France a fait un grand pas en arrière, plutôt qu’un grand pas en avant. »

Malheureusement, à l’heure actuelle les maladies d’Alzheimer et apparentées ne bénéficient plus de la reconnaissance politique nécessaire. Elles sont incluses dans un plan maladies neurodégénératives plus large, qui n’offre pas aux personnes atteintes les soins et le soutien dont elles ont besoin en raison des spécificités de ces pathologies. Donc, en effet, la France a fait un grand pas en arrière, plutôt qu’un grand pas en avant.

En tant que fédération de 105 associations du monde entier, ADI croit fermement que des plans nationaux dédiés et financés de manière adéquate sont la réponse la plus efficace aux défis que ces pathologies font peser sur nos systèmes de santé, nos gouvernements et, bien sûr, sur le quotidien des personnes malades et de leurs proches aidants. Nous vous exhortons donc, en tant qu’élus de la République française, à prioriser cet enjeu majeur de santé publique et, à terme, à garantir le soutien et les soins dont les personnes concernées ont désespérément besoin.

 

[1] Cette interview a été réalisée en 2022. La feuille de route MND 2021-2022 est arrivée à échéance le 31 décembre de cette même année et depuis plus aucune stratégie nationale n’est dédiée aux MND ou à la lutte contre Alzheimer et les maladies apparentées.