19 juin 2018
Déremboursement des médicaments Anti-Alzheimer : on a oublié les malades à corps de Lewy et les parkinsoniens

Le 17 juin, dans une lettre ouverte à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, 194 neurologues, gériatres et psychiatres et sept associations de patients ont exprimé leur colère dans une lettre ouverte à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et ont demandé à la ministre de revenir sur sa décision. Le fondateur du réseau des aidants de malades à corps de Lewy, Philippe de Linarès,  entend lui aussi porter la parole des personnes malades à corps de Lewy et les parkinsoniens. 

Les raisons qui ont amené Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, à décider l’arrêt du remboursement des médicaments dits « anti-Alzheimer » restent particulièrement floues. Il semble qu’elle se soit appuyée sur l’avis de la Haute Autorité de la Santé (HAS) exprimé en 2016 et rappelé dans le « guide de parcours de soins » dont la diffusion a été concomitante avec l’annonce de déremboursement. Or il se trouve que l’avis de la HAS ne portait que sur la maladie d’Alzheimer alors que deux autres maladies, la maladie à corps de Lewy et la démence parkinsonienne sont directement concernées par cette mesure de déremboursement.

Ces deux maladies, très proches, et qu’on peut regrouper dans l’appellation de « pathologies avec corps de Lewy » ont été oubliées alors que deux des quatre molécules concernées par le déremboursement (rivastigmine et donépézil) sont particulièrement efficaces pour lutter contre certains symptômes très lourds comme les hallucinations ou autres troubles du comportement. Ce point particulier est d’ailleurs rappelé en partie dans le guide de parcours de soins, guide auquel on a souvent fait référence pour justifier le déremboursement(1).

L’agressivité d’un malade dont le délire le fait confondre son proche avec un sosie malveillant, par exemple, peut être prévenue par ce type de médicament. A défaut, comme on le constate très souvent, si la maladie est méconnue, des neuroleptiques inefficaces et particulièrement dangereux dans ce type de situation risquent d’être prescrits. On n’envisage pas qu’un médicament qui serait efficace pour le cancer du poumon soit supprimé parce que son bénéfice pour le cancer du pancréas serait trop faible. C’est pourtant ce qui a été fait pour les médicaments anti-Alzheimer. Ils sont efficaces pour certaines pathologies, mais on les dérembourse pour toutes les maladies parce qu’ils ne le sont pas beaucoup pour celle d’Alzheimer !

Les patients et leurs familles sont en droit de s’interroger sur cet « oubli » qui fait perdre tout crédit à l’avis de la HAS.

L’avis de la commission de transparence de 2016, tel qu’on le trouve sur le site de la HAS, et qui n’évoque donc pas les pathologies avec corps de Lewy, est motivé par des arguments qui semblent bien faibles. « Les données nouvelles confirment que l’efficacité des médicaments du traitement symptomatique de la maladie d’Alzheimer est, au mieux, modeste… ». Les « données nouvelles » ne sont pas citées et aucun élément ne permet de comprendre quelle a été la méthodologie de la commission de transparence pour mener son évaluation.

Depuis 2016, des études scientifiques, objectives, ont été conduites à l’étranger. Une méta- analyse, parue un mois avant la décision de déremboursement, confirme le bénéfice de ces médicaments pour la maladie d’Alzheimer et, pour ce qui concerne les pathologies avec corps de Lewy, un bénéfice plus de deux fois supérieur. Lorsqu’on regarde la composition de la commission de transparence de 2016, on constate qu’il n’y avait qu’un seul neurologue (spécialiste de l’épilepsie) qui a démissionné en 2017. En 2018, il n’y a toujours pas de neurologue. Un seul gériatre donne son avis, il s’agit du professeur Saint-Jean, connu pour son parti pris sur le sujet, ne reconnaissant même pas l’existence de la maladie d’Alzheimer.

La France est le seul pays au monde, parmi les pays d’un niveau équivalent, à afficher ce parti pris sur l’inutilité des médicaments. Les malades à corps de Lewy et leurs proches se battent tous les jours contre la maladie et contrairement à l’affirmation gratuite de certains médecins, en utilisant autant que possible toutes les stratégies non médicamenteuses existantes, souvent épaulés par les associations comme France-Alzheimer et France-Parkinson. Ces familles ne comprennent pas qu’on leur supprime une arme efficace et sont en colère.

(1)Nous sommes de nombreux participants à ce groupe de travail à avoir signé un communiqué pour dénoncer l’amalgame entre la parution du guide et l’annonce du déremboursement.