3 décembre 2020
COVID-19 : Faire ensemble ce pas de côté pour désamorcer les conflits entre familles et Ehpad

À la demande de la Direction générale de l’ARS Nouvelle-Aquitaine dans le cadre du Dispositif d’appui lié à l’épidémie de la COVID-19, l’association France Alzheimer et maladies apparentées et l’ERENA ont initié une cellule d’écoute et de dialogue éthique. Objectif : chercher ensemble des solutions qui conviennent à la fois aux familles et aux directions dEhpad, dans un souci de bienveillance, de respect des droits et de sécurité sanitaire. 

Des tensions sont apparues depuis le début de la crise sanitaire dans les Ehpad concernant la conduite à tenir à l’égard des résidents vivant avec une maladie neuro-évolutive, tant sur l’organisation des visites que sur la difficulté de rejoindre la personne sans le contact physique et avec un masque.

De nombreux questionnements éthiques ont surgi, alors que les directions d’Ehpad peuvent se retrouver seules face à leurs responsabilités et à des problèmes comme le manque de personnel, et que les familles éprouvent incompréhension et sentiment d’abandon de leurs proches.

C’est pourquoi l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine a proposé de créer une cellule d’écoute et de dialogue éthique, une initiative inédite en France. Elle est coanimée par l’Espace de réflexion éthique de Nouvelle-Aquitaine (ERENA) et par l’association France Alzheimer et maladies apparentées.

Cette cellule s’est mise en place début novembre. Elle peut être saisie par les familles et par les Ehpad à chaque fois que surgissent des tensions. Il s’agit d’écouter les souffrances des familles, les interrogations des directions d’établissements et des équipes, les explications de tous les intervenants, afin de réfléchir ensemble, d’essayer de trouver un consensus, et de désamorcer les conflits toujours préjudiciables aux personnes malades, tout en prenant en compte l’importance de la sécurité sanitaire et celle des risques psychologiques des résidents et des personnels soignants.

Quelles problématiques éthiques ?

Les associations départementales France Alzheimer, en contact avec les familles, ont été confrontées à des problèmes éthiques dès le début de la crise sanitaire. « Une dame nous avait interpellés lors du premier confinement pour nous parler de sa situation. LEhpad dans lequel réside sa maman lui a dit quelle n’était pas prioritaire pour les visites parce que sa maman n’était pas capable de demander elle-même, par écrit, la visite de sa fille », explique Geneviève Demoures, présidente de France Alzheimer Dordogne.  « Nous avons également reçu des appels de familles indignées parce quelles avaient limpression d’être surveillées par des membres du personnel dEhpad, « comme dans un parloir de prison », qui vérifiaient que les gestes barrière étaient bien respectés. Il y a même eu des menaces dexclusion en cas de non-respect par les familles. Cette irruption dans lespace privé sest immiscée jusque dans la chambre des résidents. »

Le toucher est pourtant primordial pour établir un contact avec les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée. Le port du masque pose également problème pour établir la communication avec des personnes malades qui éprouvent des difficultés à se souvenir des visages.

L’association France Alzheimer est parvenue à débloquer des situations grâce à l’écoute et au dialogue. « Une fille voulait toucher les mains de sa maman. LEhpad le lui refusait. Nous nous sommes tous retrouvés dans une salle : la maman, la fille, la direction de lEhpad, des membres du personnel, moi-même », se souvient Geneviève Demoures. « La maman était arrivée avec le regard vide. Elle et sa fille se sont lavé les mains avec du gel hydroalcoolique, la fille a mis ses mains sur celles de sa maman, et le visage de la vieille dame sest éclairé. Elle avait, grâce au toucher, reconnu sa fille. »

« Une sécurité sanitaire plus efficace avec plus de compréhension mutuelle »

France Alzheimer, l’ERENA et l’ARS Nouvelle-Aquitaine ont dès lors décidé d’unir leurs forces pour que le dialogue soit renoué dans des établissements. « Nous avons déjà reçu une quarantaine de saisines. Les témoignages que nous recevons indiquent que cette cellule était un besoin. Des situations se sont détendues, des solutions ont pu être trouvées », souligne Roger Gil, neuropsychiatre et directeur de l’ERENA. « Enlever un masque, toucher la main de son proche, peut être compris comme une faute, mais la famille est-elle indisciplinée pour autant ? Non, elle est surtout malheureuse, elle souffre. Quand une direction dEhpad écoute la tristesse et lincompréhension de la famille, les lignes bougent. Quand une famille écoute la direction de lEhpad, elle comprend leurs légitimes préoccupations sécuritaires. Il faut essayer de tenir compte du point de vue de lautre. Et ce nest pas facile. Surtout en cette période. Mais on peut dire que la sécurité sanitaire serait plus efficace avec plus de compréhension mutuelle. »

« Pour linstant, ce que je constate, cest que la cellule fait avancer les choses et renouer le dialogue », se réjouit Sophie Lafon, chef de projet ARS Nouvelle-Aquitaine. « Les retours sont très bons. Nous avons limpression que la cellule d’écoute et de dialogue éthique répond véritablement à un besoin. Nous envisageons même d’élargir cette cellule au secteur du handicap. » 

Cette initiative aquitaine pourrait par ailleurs être reprise sur d’autres territoires français.

Comment ça marche ?

Les familles et les Ehpad de la région Nouvelle-Aquitaine peuvent saisir la cellule d’écoute et de dialogue éthique par téléphone au 05 49 44 40 18 ou par courriel sur erena.poitiers@chu-poitiers.fr.

L’ERENA et France Alzheimer organisent des entretiens, de préférence téléphoniques, avec tous les intervenants concernés, sans la présence de l’ARS. Elles remettront ensuite un relevé des discussions à l’ARS, en espérant que ces entretiens auront permis d’aboutir à un consensus.

Contact presse :
Laurent Dupuis : 07 61 28 00 29, l.dupuis@francealzheimer.org