2 juin 2020
Covid-19/Ehpad : Des conditions de visites assouplies, mais est-ce suffisant ?

Depuis les annonces du 20 avril, des Ehpad s’interdisent encore aujourd’hui d’organiser des visites. D’autres établissements le font, mais trop souvent dans de mauvaises conditions. Et pendant ce temps, les résidents et les familles en subissent les conséquences. 

Après un silence assourdissant sur la situation des Ehpad lors de la conférence de presse du 28 mai, le ministre de la Santé Olivier Véran annonçait hier une nouvelle phase d’assouplissement des conditions de visites. Cette annonce est encourageante, bien qu’elle s’accompagne de simples recommandations à destination des directeurs d’établissement.

France Alzheimer redoute, une nouvelle fois, que cette déclaration ne soit pas porteuse du changement attendu. Les recommandations laissent en effet aux dirigeants des Ehpad la pleine responsabilité de leur choix. Il est à craindre que, dans ces conditions, les dirigeants des établissements n’osent organiser des visites, de peur des conséquences qu’ils seraient seuls à supporter, quand bien même les familles exprimeraient leur volonté de retrouver leur proche. C’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui, alors que les visites sont possibles depuis le 20 avril.

D’autres directions d’établissement acceptent de mettre des visites sur pied, mais trop souvent dans des conditions angoissantes pour les résidents, leurs proches et même les professionnels qui les accompagnent.

France Alzheimer demande que l’Etat donne des directives claires aux Ehpad. Des directives qui permettent l’organisation de visites dans des conditions de sécurité sanitaire et humaine acceptables pour tous, partout où c’est possible. Des directives dont l’ensemble des Agences régionales de santé pourra se saisir pour accompagner les établissements sur leur territoire respectif. Le drame social et familial qui se joue au sein des établissements actuellement n’est plus tenable, et il est déjà lourd de conséquences.

“L’Ehpad est devenu une prison”

Depuis des semaines, personnels soignants, membres de direction, personnes malades et proches aidants tirent la sonnette d’alarme, et ne trouvent que le silence. C’est le constat amer que l’association France Alzheimer et maladies apparentées faisait jusqu’au 1er juin.

Face à cette situation, des professionnels de la santé en perdent leur vocation. “Le plus dur, c’est qu’on ne sait plus quel est le sens de notre travail. On n’applique même plus les projets de soin personnalisés. Alors, à quoi on sert ?” nous confie un infirmier.

La santé ne se résume pas à la santé physique. Elle ne se résume pas au Covid-19 ou à la prise de la température.

Or, aujourd’hui, les résidents des Ehpad souffrent doublement. L’absence de soins personnalisés, d’activités, de lien social et de visites dans des conditions de sécurité raisonnables jettent dans l’abîme ces personnes, et en particulier les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer ou une maladie apparentée.

Pour des résidents, l’Ehpad est devenu une prison. “Mon père y était déjà malheureux”, explique un médecin-gériatre de l’Oise dont le père, touché par la maladie d’Alzheimer, réside dans un Ehpad du Nord. “Nous portions une part de culpabilité en l’ayant placé et nous la compensions en étant très présents. Mais la pandémie a complètement rompu le lien. Les courriers, les appels en visioconférence… C’est bien, c’est mieux que rien, surtout pour les familles qui habitent loin, mais cela ne suffit pas. La crise sanitaire a aggravé la maladie de mon père. Les troubles du comportement se sont amplifiés. Il se replie sur lui-même. Les visites ? C’est du genre carcéral, et 20 minutes toutes les trois semaines.”

Notre interlocuteur ajoute : “On empêche aux résidents des Ehpad de profiter des derniers instants de leur vie au motif d’un virus qui ne circule presque plus. Ce temps leur est volé. Ce temps est volé à mon père… Au début, je comprenais la situation. Aujourd’hui, pas vraiment. Les Français retrouvent plus de liberté, sauf les résidents des Ehpad. Cela donne l’impression qu’ils ne sont pas des citoyens comme les autres. C’est un abus de pouvoir énorme. Les résidents des Ehpad ont des droits. Ils ont le droit de vivre.”

Contact presse : 07 75 11 81 33, l.dupuis@francealzheimer.org