19 mars 2018
« Les bienfaits de la musicothérapie sont sous-estimés »

Musicothérapie – Outil de médiation et de stimulation, la musique est aujourd’hui l’une des formes d’art-thérapie privilégiée pour prendre en soin les personnes malades… Pour quelle efficacité, quelle légitimité, quels bénéfices… ? Autant de questions auxquelles répond le professeur Hervé Platel, musicothérapeute à l’université de Caen Normandie

France Alzheimer : Comment définir aujourd’hui la musicothérapie ?

Hervé Platel : « L’idée que nous pourrions soigner des maladies grâce à la musique est une idée ancienne qui remonte à l’époque grec. Mais, il est vrai qu’au cours du 20ème siècle, cette réflexion a pris une autre tournure sous un angle plus psychologique. La musique est alors apparue comme un outil de médiation entre deux personnes, à savoir le thérapeute et la personne malade. Il s’agissait de favoriser la communication et permettre l’expression des émotions. Il ne fait aucun doute que les travaux des sciences cognitives ont révolutionné cette approche et permis d’envisager une musicothérapie qui s’appuierait sur des connaissances objectives  et scientifiques. Une musicothérapie concernant aussi bien les mécanismes comportementaux que cérébraux. L’idée étant d’évaluer concrètement les résultats liés à l’écoute ou la pratique de la musique. »

France Alzheimer : La musicothérapie est-elle adaptée à toutes les pathologies et à toutes les personnes ?

H. P. : « Oui, elle est adaptée à toutes les personnes. L’adaptation est très simple à partir du moment où la personne n’a pas de problème auditif. D’ailleurs, même lors d’une musicothérapie plutôt active avec du chant et la pratique d’un instrument, les contre-indications sont relativement faibles. En conclusion : la musicothérapie peut s’appliquer à la plupart d’entre nous.»

La mémoire de la musique est résistante

France Alzheimer : Plusieurs études ont avancé les bienfaits de la musicothérapie. A titre professionnel, avez-vous, vous-même, constaté ces bénéfices ?

H. P. : « Nous avons, en effet, constaté des résultats probants. Ainsi du côté de la prise en charge des maladies neurodégénératives, des vertus intéressantes de la musique ont été observées. Plusieurs travaux ont été menés avec des personnes malades d’Alzheimer à un stade avancé et en institution. Il s’est avéré que la musique permettait de lutter contre l’apathie et les troubles du comportement qui touchaient ces personnes. Non seulement la musique permettait de les stimuler pour les faire communiquer, mais elle avait aussi un pouvoir d’éveil cognitif. La mémoire de la musique est très résistante et il est possible de s’appuyer sur cette mémoire pour stimuler des patients vers des apprentissages nouveaux. Par exemple, leur apprendre des mélodies de chansons qu’ils n’avaient jamais apprises auparavant. »

France Alzheimer : La musicothérapie est-elle aujourd’hui reconnue à sa juste valeur ?

H. P. : « Certainement pas car on a encore besoin d’étayer les bénéfices de la musicothérapie et de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ses bénéfices sont obtenus. Pour comprendre comment les apprentissages sont rendus possibles, il faut multiplier les études de neuroimagerie. Les études doivent nous permettre de positionner la pratique de la musicothérapie à sa juste valeur avec comme bénéfices : la réduction de l’anxiété, du stress, de la dépression. Et c’est aussi un outil de stimulation cognitive efficace. Petit à petit, les travaux des neurosciences cognitives donnent une légitimité à la pratique.»